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vendredi 24 juin 2016

Triste jour/ Sad day/ Trauriger Tag



En 1939, mon père a été mobilisé dans l’infanterie française. Il est rentré à la fin de la guerre. Il avait été fait prisonnier et détenu en Tchécoslovaquie où il avait travaillé comme un esclave sur une exploitation agricole. Il n’avait plus que la peau sur les os.
De son côté, ma mère a passé les années de guerre dans une relative tranquillité, dans un petit village de la campagne bourbonnaise. Adolescente, elle voyait arriver le dimanche les habitants de la ville voisine, durement touchés par le rationnement, qui tentaient de se procurer en douce quelques produits frais. Ma grand-mère leur vendait des denrées à un prix honnête, ce n’était pas le cas de tout le monde. Ma mère m’a raconté qu’il se disait des horreurs sur les exactions commises par des soldats de l’armée d’occupation vis-à-vis de jeunes gens qui n’avaient pas respecté le couvre-feu et l’interdiction de se rassembler.
Au retour de mon père, il est resté dans l’armée, a fait une première partie de carrière où il a vécu avec ma mère et bientôt mes frères en Allemagne, parmi les troupes d’occupation d’après-guerre. Et puis, la paix s’est installée avec l’Allemagne, un truc génial et improbable après 3 conflits majeurs et sanguinaires aux XIX et XXème siècles entre nos pays, non ? A cette époque, j’ai l’impression qu’on avait une véritable vision de l’Europe. Une idée lumineuse et optimiste.
Mes parents ont eu trois enfants. Nous avons tous étudié l’allemand et l’anglais. JAMAIS je n’ai entendu mes parents avoir des propos xénophobes vis-à-vis de nos voisins (un peu d’agacement quand l’avis outre Manche ou outre Rhin était en opposition avec leurs opinions, rien que de normal me direz-vous. Dans une même famille, on n’est pas toujours d’accord). C’était comme s’ils n’avaient pas souffert, pas eu peur, en tout cas, c’est l’impression qu’ils voulaient nous donner. Pas de haine, surtout. Et le message de bien travailler les langues étrangères, parce que c’était important d’être formés pour aider à construire une Europe unie.
Comme mes frères, peut-être plus qu’eux (qui étaient des billes en langues), j’ai été élevée dans l’idée de l’Europe. Je me sentais à 18 ans autant Européenne que Française. A l’aube de mes études, j’imaginais une Europe Fédérale, des États-Unis d’Europe (on était encore dans le rêve américain dans les années 80), un vaste territoire de jeu où travailler, vivre, voyager, échanger avec des gens de tous pays seraient facile. J’avais des correspondants dans le monde entier et l’impression que la jeunesse du monde partageait mes idéaux. J’étais consciente que des conflits existaient encore sur notre planète, mais je me disais que si nous Européens avions réussi à faire la paix, pourquoi les autres pays n’y arriveraient-ils pas ? Avec une volonté politique forte et des citoyens lassés de se taper dessus, ça devait être possible, non ?
Trente ans après, je suis toujours profondément, viscéralement Européenne. Malgré les dissensions, et à cause des nationalismes qui donnent du menton, cette idée de l’Europe que je ne veux pas appeler un idéal mais un objectif, ne me quitte pas.
N’oublions pas ces siècles de conflits, ces guerres épouvantables qui ont saigné nos peuples.
Les Britanniques ont voté, c’est leur droit souverain. C’est le mien d’être très triste aujourd’hui, à cause de mes parents et des idées qu’ils m’ont transmises.

Et comme je suis Européenne, je vous refais la même dans les langues que je maîtrise à peu près.

Ok, now, some english, hu ? Pardon me if it’s not perfect, I’m a never-ending learner.
In 1939, my father joined the French army. He was made prisoner and worked in Czechoslovakia as hard as a slave in a farm. When he came back, he only had the skin on bones.
On her side, my mother spent the war years in some kind of tranquility, in a little village in the center of occupied France. She was a teenager at that time, and on Sundays, people from the near city came to her village to get some fresh products that were not affordable or available due to rationing. My grand ’Ma sold the milk and butter at an honest price but everybody did not act the same. There were rumors and terrible stories about what the occupying soldiers had done to young people that did not respect the curfew.
When my future dad came back after the war, he stayed in the Army and started a carrier. My parents went to Germany with the occupying troups and my brothers were born there. Then peace was declared, a real one, something incredible if you think of the three major conflicts that happened in the XIX and XX century in Europe. I really think that, at that time, people had a vision for Europe, something shiny and optimistic.
My parents gave birth to three children. All of us learned English and German. My parents NEVER had any xenophobic words against our neighbors. Sometimes they did not share the opinion of our English or German cousins. No harm… in the same family you don’t always think the same. They acted like if there had been no suffering of fear during the war for them, or maybe they did not want to transmit this to us. Overall, no hate.  And they insisted on the message that it was very important to learn foreign languages, to be able to participate in the future united Europe’s building.
As my brothers (maybe more, because they were not that good in foreign languages), I’ve been raised in the idea that Europe was the solution. At the age of 18, I felt myself as I was so much European than French. Just before I started my studies, I was dreaming of a Federal Europe, some kind of United States of Europe (the American dream was still alive in the 80s), a vast playground were I would be free to work, travel, live, encounter people from many countries. I had penpals from all over the world, and the feeling that this youth was sharing the same ideals as I. I was conscious that conflicts existed outside Europe but I thought that, if we European had been able to make peace, others could do it, with a strong political will and the desire of populations to stop fighting each others.
Thirty years later, I’m still strongly European, deep in my guts. In spite of disputes, and the nationalist movements that try to reinforce themselves, this idea of Europe, more an objective than a dream, does not leave me.
Let’s not forget the centuries of conflicts, of those bloody wars that left our populations exhausted.
British people voted, it’s their absolute right and nobody discuss it. But it’s my right to feel sad today, because of my parents’ ideas that are mine now.

Also, aus Deutsch wird es schwieriger und ein biβchen kürzer… Entschuldigung für die Fehler…

In 1939, mein Vater zog in den Krieg, und wurde gefangen genommen. Er arbeitete in Tschecholovakei auf einem Hof, wie ein Sklave. Wenn er zurück war, war er ganz dünn.
Meine Mutter verbracht die Kriege Jahren in ihr kleines Dorf, in besetze Frankreich. Sie war eine Teenager und sie sah Leute von der NachbarStadt die am Sonntag um ein wenig Butter oder Milch zu kaufen kamen. Meine Groβmutter ehrlich verkaufte die Lebensmittel. Das gilte nicht für alle. Es gab schrekliche Geschichte daβ Soldaten grausamen Verfolgungen gegen Junge Leute verüben hatten, als Strafe für den Bruch der Ausgangsperre.
Wenn mein Vater zurück war, blieb er Militär und meine Brüder waren in Deutschland geboren. Und dann Frieden war eine Wirklichkeit, und zwar es war etwas toll, nach drei Kriegen im 19. und 20. Jahrhundert. Das war möglich weil damals es eine Vision von Europa gab. Eine leuchtende und Optimistische Vision.
Wir waren drei Kinder. Niemals habe ich meine Eltern gehört, die fremdenfeindliche Parolen gegen unsere europäische Nachbachvölke sagten. Vielleicht zustimmte sie nicht immer was die Englische oder die Deutsche machten, aber so is es in eine Familie, nicht wahr ?
Ich fühle mich beide als eine Europäerin und eine Französin seit meine junge Jahren. Ich habe getraümt daβ wir ein föderales Europa schaffen, wo wir arbeiten, reisen, leben, und andere Völke kennenlernen könnten. Als ich 18 Jahre alt war, wuβte ich daβ es Kriege in der Welt gab, aber Ich dachte daβ, als Europa Frieden schaffte, andere Länder könnte es auch machen.
Dreizig Jahren danach, bleibe ich eine starke Europäerin. Ich glaube daβ Aufbau Europas muβ nicht ein Traum aber ein Ziel sein.
Wir müssen nicht die blutige Kriege vergessen, die unsere Länder zerrissen haben.
Die Briten haben gewählt. Das Volk hast gestimmt und es war sein Recht. Aber ich fühle traurig heutzutage, weil ich mich an meine Eltern und ihre Ideen erinnere.

8 commentaires:

  1. Magnifique billet... Comme toi, je suis triste, mais hélas l'Europe qu'on nous a promis du temps de Maastricht n'est pas du tout celle qu'on connait actuellement. J'ai la naïveté de croire que ce brexit aura au moins servi à faire prendre conscience à nos élites, isolées dans des tours de verres, que l'Europe sera sociale ou ne sera pas... Gros bisous <3

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    1. Sociale, politique (avec un gouvernement à l'écoute) et fiscale : tant qu'on n'aura pas tout mis à plat intelligemment, ce sera du chacun pour soi. Et pourtant, quelle idée formidable à la fin de la guerre, et drôlement culottée.

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  2. Les commentaires que je lis le plus souvent sur le Brexit en ce moment, c'est :
    - on sera mieux sans eux (ils étaient trop libéraux)
    - ils ont (réellement) voté sans savoir
    - les jeunes ont voté pour rester, les vieux pour partir
    - certains des arguments pro-brexit étaient complètement faux.

    Ce dont j'ai peur, c'est que d'autres se barrent :(

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    1. C'est en effet le risque, et déjà celui que les extrémistes xénophobes prennent encore plus du poil de la bête, déjà dans notre pays. J'ai lu en effet le "on sera mieux sans eux", mais si on veut aller dans cette direction, bah on peut le dire de chaque pays. On a tous nos qualités et nos défauts, c'est en ça que l'idée de l'Europe est intelligente. En fait, c'est là où l'auteur de SF ressort : je me dis "Si c'est possible dans Star Trek de faire une fédération de planètes, commençons déjà par fédérer nos pays d'un même continent". Je suis une idéaliste, on ne se refait pas.
      J'ai lu quelques billets concernant les arguments pro Brexit, et des promesses qui ne seront pas tenues. (les fonds pour le NHS, en particulier). Je crois aussi que partout en Europe, on n'informe pas assez les populations sur ce que l'Europe nous apporte concrètement de positif. A quoi ça a servi au long de notre histoire récente... Si j'avais le temps de faire ça, j'ouvrirai un blog sur ce sujet. (remarque, ça existe peut être déjà)

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  3. Je me retrouve pleinement là-dedans. Je suis triste comme toi. Et bravo pour les messages en anglais et allemand. Ca me fait plaisir car ce sont les deux langues que j'enseigne ! Cela étant, le malaise était tellement grand entre les différentes visions des états membres et plus particulièrement du RU que cela ne pouvait mener qu'à cette extrême. Et bien entendu beaucoup ont oublié ce que doit être vraiment l'Europe. On s'est allègrement écarté des valeurs prônées initialement par le concept même d'Europe. Ce sont ces valeurs de cohésion, de partenariat et d'avancées communes qui manquent à l'Europe et hélas, le pas franchi par le Brexit va même mener ce même Royaume-Uni à la désunion. Je suis tristesse...

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  4. Voilà, je pense que l'Europe et une partie des Européens ont perdu de vue l'objectif de départ. Je suis contente de voir que ce billet trouve un écho chez une proche voisine ! <3 C'est assez triste aussi parce que la campagne a l'air d'avoir été très démagogue, à tel point qu'aujourd'hui, certains votants du "out" se rendent compte qu'ils auraient mieux fait de voter "remain". C'est fou. A notre époque d'hypercommunication, on a l'impression que les gens ont voté sans avoir cherché à s'informer vraiment sur ce qui allait se passer.Ils ont juste écouté des discours, dont certains étaient même mensongers...

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  5. Merci Dominique de m'avoir signalé ce billet qui me rassure à propos de l'état d'esprit d'un grand nombre de mes contemporains.

    Il y a sans aucun doute des fautes qui ont été commises, et l'Europe (càd l'UE) est devenue la proie, depuis la fin des années 80, des néo-libéraux qui y ont trouvé le champ idéal pour leurs expérimentations, leur idéologie du laisser-faire économique et leur combat contre les acquis d'après-guerre, comme notamment l'élément social dans l'économie capitaliste. À Bruxelles, ils pouvaient œuvrer dans l'obscurité, à l'abri d'un contrôle démocratique efficace. Et on a effectivement mis du temps avant de nous rendre compte de l'existence de cette cinquième colonne au milieu du continent... Comment alors s'étonner de l'existence d'une union perverse entre les gauches extrémistes et la droite nationaliste qui, elle, n'a jamais adhéré aux valeurs européennes ?

    Si tout ça est bien tristement vrai, il ne faut pas pour autant abandonner les idées de paix et de liberté incarnées par la construction européenne. Il faut au contraire renforcer les liens entre les personnes et les régions, et il faut tout mettre en oeuvre pour faire disparaître les États-nations, qui toujours sauront faire valoir leurs prérogatives.

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    1. J'ignorais l'existence d'un mouvement fédéraliste. Merci de l'avoir signalé sur ton billet ! Je vais tacher de me documenter sur le sujet, mais ça donne l'impression de ressembler, au moins dans l'intention, à l'Europe que j'aimerais voir émerger.

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