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samedi 9 avril 2016

O séries chéries : la Brigade des Loups de L. Peschet et Exil de S. Desienne



(‘scusez pour le titre au jeu de mots pourri)

J’ai déjà évoqué sur ce blog mon goût pour les séries littéraires. Il vient peut-être en complément de mon intérêt pour les séries télés US dont j’ai dévoré avec passion certains grands titres (moins depuis que j’écris régulièrement, il faut bien faire des choix dans son emploi du temps). Il est possible aussi (plus que probable, même) que j’aie en tête l’écriture d’une série fantastique, qui prendra la suite de Colonie(s) quand j’en aurai terminé avec elle(s).

J’ai déjà parlé avec enthousiasme de Toxic de Stéphane Desienne (là, j'en cause ! )dont j’attends la sortie de la saison 2 de pied ferme. Je vais maintenant vous donner mon avis sur deux lectures récentes, à savoir la Brigade des loups de Lilian Peschet et Exil de Stéphane Desienne.

Titre : La Brigade des loups
Auteur : Lilian Peschet
Editeur : Voy’el
Paru en numérique et en papier, une saison de 6 épisodes (2014)

J’ai du mal à trouver un défaut à cette série si ce n’est, comme le faisait remarquer une de mes collègues autrices (il faut que je me fasse à « autrice », j’ai encore du mal mais vous remarquerez la bonne volonté que j’y mets), la pauvreté (en nombre et en épaisseur) des personnages féminins. Mais, allons, je pardonne ce défaut parce qu’autrement la série est addictive et les autres personnages (masculins) sont remarquablement bien campés.

Dans cette uchronie dystopique, où les évènements majeurs qui définissent la société décrite se passent dans les années 90, nous nous trouvons dans un monde où la lycanthropie est une maladie. Ses victimes sont ostracisés, leur reproduction strictement encadrée, leurs vies contrôlées. Les Brigade des loups accueillent des policiers contaminés, chargés d’enquêter sur les crimes lupins, commises par les loups garou, donc. À noter que je commets ici un abus de langage, car le terme de garou n’est jamais employé par l’auteur (du moins il me semble). Lorsque les membres de la Brigade se transforment, ils  deviennent loups, ou une forme hybride redoutable. 

L’action commence très vite, de façon dramatique, à Bucarest. Nous suivons les membres de la Brigade, chacun leur tour, et entrons d’autant plus facilement dans leur tête que l’auteur a choisi d’écrire à la première personne. La caractérisation de chaque personnage est parfaitement réussie. Il sont 5 : Vasile, le capitaine, Dragos et Mikaï, tous les deux membres un peu « cassés » de la brigade, Pavel, expert en informatique et Yakov, le médecin. Chacun sa voix, son passé, ses espoirs, ou son manque d’espoir. Ils sont tous également attachants dans leurs blessures et dans la façon de transcender leur état pour s’unir en un groupe efficace. 

En face d’eux, des meurtres ou des complots certes, mais aussi une société qui les juge sans les connaître vraiment, en les mettant à part par peur ou par haine. On retrouve des thèmes dystopiques classiques mais très bien amenés et qui, dirons nous, trouvent quelques échos de nos jours. Répression, discrimination, délit de faciès, surveillance quotidienne…
Le style est tantôt nerveux, tantôt plus littéraire, tantôt presque haché. L’auteur s’en donne à cœur joie pour capter l’attention du lecteur qui dévore les épisodes les uns après les autres : rebondissements, courses poursuite, conflits divers, le récit comprend peu de moments calmes et intimistes et les personnages se retrouvent pris dans des situations toutes plus dangereuses les unes que les autres, dans un rythme soutenu. J’ai presque regretté que tout se résolve dans le 6ème et dernier épisode. J’ai trouvé que, peut-être, les problèmes se réglaient trop facilement. Certainement parce que j’avais envie de rester encore un peu avec la Brigade. 

A noter l’illustration sublime d’El Théo (Voy’el ne mégotte pas sur ses couvertures, elles sont toujours géniales) et (curiosité) je me suis demandé si, à un moment ou un autre, Lilian Peschet n’avait pas eu dans l’idée de faire plusieurs saisons, une par ville, car le nom de Bucarest apparaît sur le blason de la couverture ? Sans vouloir avoir l’air de réclamer, ce ne serait pas une mauvaise idée. Il y a matière.
Donc une excellente lecture, prenante, nerveuse, humaniste. (mais qui manque de filles)

Maintenant, au tour de:

Titre : Exil
Auteur : Stéphane Desienne
Éditeur : Walrus
Paru en numérique, en une saison de 7 épisodes (2015)

Nous voici dans un futur proche, où les forces géopolitiques se sont redessinées autour de l’exploitation des dernières ressources de la Terre. L’humanité s’est divisée en deux grands groupes : les très riches qui vivent sur des éco-cités, immenses navires flottants éloignés des terres, et l’immense majorité des pauvres qui survivent comme ils peuvent. 

On dit des tas de choses sur ces éco-cités : que leurs résidents vivent dans l’opulence et qu’ils sont immortels, par exemple. Qu’ils bénéficient d’une sécurité maximale, que les avancées technologiques dont ils bénéficient font d’eux les nouveaux maitres du monde.

Et puis, il y a Seward. Une petite ville en Alaska, au bout du bout du monde, où mille six cents personnes vivotent gentiment et s’entraident pour le faire. Ils sont loin de tout ça, profitent du peu qu’ils ont tant que c’est encore possible, cultivent une sorte d’art de vivre sobre.

L’enfant du pays rentre un jour, Emily Redwill, surnommée Red, partie sans explication des années auparavant. Elle a vécu en République de Californie, elle a travaillé sur le chantier d’une éco-cité ce qui lui confère une aura mystérieuse aux yeux de ses voisins. Et, quelques jours après le retour de Red, une éco-cité vient s’installer dans la baie de Seward. 

Voilà quelques uns des ingrédients de cette histoire. Vous l’aurez compris, on aborde là une histoire très différente de Toxic ou de la Brigade des loups. L’impression est celle d’un huis-clos (les routes menant à Seward seront très vite bloquées par ordre du maire de la ville qui voit dans l’arrivée de ces riches une manne pour ses concitoyens et ses ambitions politiques). Se mêlent dans Exil les relations compliquées entre Red et ceux qu’elle a laissés derrière elle : son père, son petit ami, et les autres. S’ajoutent le déséquilibre amené par l’éco-cité et ses habitants, plus des électrons libres qui viennent eux aussi, s’ils le peuvent, ramasser une part du gâteau. Les épisodes se succèdent dans un tricotage patient où l’auteur noue les fils d’un tableau mêlant la grande et la petite histoire, le déclin de notre civilisation, l’épuisement du monde et les désirs d’hommes et de femmes aux illusions envolées dans une sorte d’apocalypse douce, à la suite de conflits qui ont eu lieu loin d’eux et sur lesquels ils n’ont aucune prise.

Mention spéciale pour les personnages qui me ravissent, à commencer par Emily, femme libre s’il en est et Dokes, le patron de pêche. Je pourrais tous les citer (Bill, le père de Red, le maire Dalton, Oleg…), même si j’éprouve moins de sympathie pour les résidents de Concordia, un peu trop lisses à mon goût, que pour les gueules cassées de Seward. Je n’ai pas fini la série encore, il me reste le dernier épisode mais c’est du tout bon : ne passez pas à côté de cette œuvre profonde et intimiste, qui a, comme tous les bons récits, la qualité de donner à réfléchir sitôt la liseuse éteinte.


Voilà, donc j’aime les séries (numériques ou imprimées, peu importe) : le format me plait car agréable à lire puisqu’on peut faire une pause entre deux épisodes. Ce sont des histoires construites avec soin afin d’assurer des pics de tension réguliers. Je crois que cela demande un travail d’architecte pour être bien fait et ce sera donc un défi que je me poserai à moi-même pour progresser dans mon écriture : en faire une qui soit au moins à moitié aussi bonne que celles dont je viens de vous parler !





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