Rappel de la contrainte 2015 : "L'histoire doit intégrer un lieu abandonné depuis un certain temps.
Que ce soit juste une pièce oubliée, un château en ruine, une ancienne
station de métro désaffectée ou encore un vieux jardin en friche par
exemple."
Voilà ce que j'en ai fait... Bonne lecture (soyez indulgents, c'est un pur premier jet...)
June et le vieil Indien
— Eh bien, qu’est
ce que tu me fais, ma belle ?
Raji Singh, ses épais sourcils froncés, venait d’enclencher
son implant neuronal sur le réseau de l’Intelligence Artificielle de l’Intrépide, le vaisseau qui avait conduit
les premiers colons sur Eltanin vingt-cinq années auparavant. L’IA principale,
nommée June, avait été copiée pour assister les humains lors de leur
installation sur la planète. Au fil du temps, la version au sol de June avait
été modifiée, améliorée, pour finalement, au bout de dix-sept années équivalent-terrestres,
être remplacée par July, une nouvelle version révolutionnaire. La June de l’Intrépide, elle, continuait de vivoter
sur l’épave inutile, qui servait tout au plus de station orbitale non habitée.
L’IA exécutait quelques routines quotidiennes. Elle surveillait de près les
éruptions de l’étoile du système Gliese 581, une naine rouge baptisée Hélios, vérifiait
la vacuité de l’espace environnant, bref s’assurait que rien ne viendrait percuter
le vaisseau et troubler la tranquillité de ses protégés. June retournait ensuite
à son état de cyber-sommeil jusqu’à la journée suivante.
Jusqu’à la semaine précédente, June n’avait eu aucune
anomalie à signaler. Puis elle émit un premier rapport faisant état d’une
intrusion dans les systèmes de communication du vaisseau, sans plus de détail. Le
chef-ingénieur Jeremy Ballard tenta de mettre ses techniciens habituels sur le cas,
mais ils échouèrent à découvrir la nature de l’intrusion. Ballard convoqua son
expert, Raji Singh. L’Indien, qui venait de passer ses soixante-dix ans, en
faisait vingt de moins, autant par son ascétisme radical que par l’exercice constant
d’un esprit brillant. Ses collègues disaient de lui qu’ils ne l’avaient jamais
vu consommer autre chose que de l’eau et que son turban dissimulait un deuxième
cortex implanté sur le réseau. Singh souriait de ces plaisanteries, mais n’en
restait pas moins celui qui, bien avant le départ de la Terre, avait dirigé une
des équipes chargées de la conception et de la maintenance des IA du vaisseau,
May d’abord, puis June, sa « fille » plus performante.
Ballard exposa la situation à son ingénieur. Le visage
maigre de Raji frémit à l’évocation d’une intrusion.
— June n’a fourni aucun diagnostic ?
— Aucun. Ballard laissa le mot résonner un instant
avant de reprendre. Cela fait trois jours que mes gars sont dessus. On commence
à se dire que cette brave June a des ratés. Ce serait ennuyeux.
Ennuyeux, certes. Une IA défectueuse, seule maîtresse à bord
d’un vaisseau abandonné en orbite… Ce serait plus que regrettable si l’énorme
carcasse de plusieurs tonnes était heurtée par un objet non détecté puis entamait
une descente incontrôlée vers la planète. L’Intrépide
se faisait gentiment démanteler depuis des années, section par section,
fournissant aux colons métaux et pièces de rechange. Pourtant, certains
techniciens, dont Ballard et Singh, rechignaient à complètement désosser le
vaisseau. Finalement, le navire et son IA les avaient menés à bon port et les
humains leur devaient bien un certain respect. Par contre, élever l’Intrépide
au rang de mémorial n’était tenable que si cette préservation ne présentait
aucun risque pour la colonie.
— Pourquoi rejeter l’hypothèse de l’intrusion ?
June a peut-être raison.
Ballard cligna des yeux.
— Une attaque virale provenant d’où et de qui ? Ça
n’a pas de sens. Nous sommes seuls ici. À moins que depuis vingt-cinq ans que nous
occupons ce sol, nous ne soyons passés à côté d’une présence alien utilisant
des systèmes comparables aux nôtres et capables de les pirater. Ce qui est
étrange, c’est que June ne donne aucun détail sur cette intrusion. Elle
transmet juste « intrusion ».
— Bon. Je vais voir si je trouve quelque chose.
Raji Singh se brancha donc sur le réseau de June. À son âge,
il était un des derniers à avoir conservé les implants neuronaux adaptés à la
machine considérée comme obsolète. De fait, elle l’était bel et bien. Les
jeunes colons, a fortiori les enfants nés sur Eltanin, se voyaient équipés d’augmentations
bénéficiant des dernières découvertes en biocybernétique et communiquaient
entre eux de plus en plus via le réseau partagé neuronal appelé le Fil,
négligeant l’usage de la parole. Singh, lui, s’il accompagnait les progrès en
matière de communication, appartenait à une frange réduite de la population qui
n’oubliait pas le langage oral. Il côtoyait trop les machines pour ne pas
craindre de leur ressembler un jour.
— Eh bien, qu’est
ce que tu me fais, ma belle ?
— Intrusion.
— D’accord, mais
à part ça… murmura-t-il en générant sa requête d’analyse du programme.
Au bout de dix secondes, il se dit qu’en effet, quelque
chose clochait méchamment. Sa requête, basique, mais efficace – il en était le
concepteur – fonctionnait dans tous les cas, en quelques dixièmes de
secondes. Toujours. Jamais ce programme n’avait présenté la moindre faiblesse.
Son cœur accéléra. Ce n’était pas une défaillance du
système. Impossible.
June ne voulait pas
répondre, voilà tout.
— Il me faudrait un UAT pour aller voir.
Ballard leva les yeux de son plateau-repas.
— Pardon ?
— Ma routine ne fonctionne pas ici, il doit y avoir un
bug quelque part. J’y verrai plus clair sur place.
Son chef mastiquait son steak de soja sans le quitter des
yeux.
— Depuis quand on a besoin de se déplacer sur un site
pour le réparer ? On ne fait plus ça depuis le XXe siècle terrien.
Singh soupira et expliqua patiemment :
— Même si je suis porteur d’un implant adapté à June,
c’est July qui achemine les messages. Si ça se trouve, les réponses de June
sont illisibles pour elle et elle ne sait pas les préserver pour que je les
décode correctement à l’arrivée. Il faut que j’aille à la source, pour ouvrir
le capot, tu vois.
Ballard posa sa fourchette et ses épaules s’affaissèrent.
— « Ouvrir le capot »… J’aime pas quand tu
emploies cette expression. Ça va consommer des ressources… Je vais avoir du mal
à expliquer au Conseil cette dépense. Mais ok. Je vais faire ce que je peux.
Singh sourit. Ballard rouspétait toujours, mais parvenait à
ses fins dans tous les cas. Ce qu’il fit.
Raji ne perdait rien de l’approche de l’UAT alors que sa
gorge se serrait. L’Intrépide ne
ressemblait plus au vaisseau à bord duquel il avait quitté la Terre. Sa forme familière cylindrique grisâtre était
amputée des deux tiers. Il ne restait plus de lui que le poste de pilotage, une
partie de la machinerie et des ateliers, un sas d’amarrage et son hall, une des
vingt-deux travées où gisaient les couchettes des voyageurs. Peut-être quelques
bureaux et une salle de repos. Juste un souvenir, finalement. « On dirait
un jeu de construction pas terminé. Un truc de gosse laissé dans un coin parce
qu’il n’amuse plus personne », se dit l’ingénieur, le cœur gros.
L’appareil avançait dans un silence spectral, sous le
contrôle de l’IA de bord, droit vers son amarrage. Les pilotes humains
n’étaient plus indispensables, mais les procédures et des freins psychologiques
maintenaient leur présence obligatoire lors de tout déplacement habité. Détaché
pour cette mission, le major Berger dodelinait de la tête depuis le départ de
la colonie. Singh ne chercha pas à lui faire la conversation durant les trois
heures de trajet et le laissa à sa sieste. Dans le cas présent, il préférait
confier sa sécurité à une machine.
Le flanc bâbord du vaisseau, teinté d’orangé par Helios dans
leur dos, dévora peu à peu l’horizon. Au fil de l’approche, le navire en partie
démonté ressemblait à un corps inerte rongé de gangrène. « On devrait
peut-être en finir, récupérer ce qui peut encore servir et balancer le reste
vers Hélios »
Bientôt, l’UAT fut assez près pour dessiner une ombre sur la
coque, en caresser les reliefs. Quelques minutes plus tard, l’entrée du sas
encore en fonction occupa à son tour le centre de l’écran de contrôle.
Berger ne daigna sursauter qu’au « clic » du
verrouillage de l’UAT, grogna et bailla. Singh s’équipa de sa combinaison. L’Intrépide n’avait plus de systèmes de
support de vie depuis le départ du dernier occupant humain. Le cœur de
l’ingénieur accéléra lorsqu’il évalua depuis combien de temps il n’avait plus
eu l’occasion de se trouver en apesanteur à bord d’un large vaisseau. L’exercice
n’avait rien d’intuitif, il allait encore se cogner partout. Berger se gratta
la nuque en quittant son siège pour s’étirer, sa bedaine en avant.
— Vous en avez pour deux heures tout au plus dans votre
réserve d’air, hein. Ne vous mettez pas en retard. Sinon, il faudra que j’aille
vous chercher.
Singh se demanda si, par le passé, il n’était pas
obligatoire d’effectuer ce type de mission en binôme. Ballard avait dû
batailler ferme pour obtenir un vaisseau et son pilote pour ce voyage
inhabituel. La présence d’un technicien en renfort n’avait certainement même
pas été évoquée. Pour autant, Singh allait tout faire pour éviter d’appeler
Berger pour une opération de sauvetage.
— Je serai prudent. Et puis, si je me souviens bien, on
avait du laisser quelques bouteilles à bord de l’Intrépide, la dernière fois, au
cas où.
La porte de l’UAT s’ouvrit sur le sas de l’Intrépide puis se referma derrière lui.
Sa combinaison pressurisée compensa en quelques secondes le froid glacial du
vaisseau. Ses batteries le protègeraient normalement pendant quatre-vingt-dix
minutes ce qui signifiait qu’il risquait de mourir de froid avant de périr
d’asphyxie. L’idée n’était pas plus réjouissante. Il se connecta au réseau de
June.
— Je suis là, ma belle. Tu peux remettre un peu de jus,
s’il te plait ? Juste ce qu’il faut pour ouvrir les portes et les lumières
au mini. Pas la peine de gaspiller.
— Entendu, ingénieur Raji Singh.
June n’était pas une IA très causante, elle avait été conçue
comme ça, en réaction à May dont les bavardages finissaient par saouler ses
interlocuteurs humains. Par contre, June obtempéra sans délai, comme
d’habitude. Le panneau de commande à la droite de Raji s’illumina. Il déclencha
l’ouverture de la porte. June, des ratés ? N’importe quoi.
Le hall deux, le seul encore fonctionnel, n’était plus
qu’une coque vide d’une trentaine de mètres-carré, là où autrefois s’étaient
tenus systèmes de décontamination, vestiaires, outillage divers. Seul le
panneau EXIT constituait un repère d’un vert criard au dessus de la porte du
fond de la pièce, en face de lui. Il
saisit la première main courante à sa portée et progressa dans sa direction. Un
râtelier à sa droite abritait une bouteille d’air, et son voyant allumé. Utilisable.
Bon à savoir.
La porte de la coursive principale bâbord s’ouvrit sans
peine. Il frissonna.
June n’avait activé que les éclairages de secours. Les
veilleuses rouges ponctuaient le plafond et le sol d’une teinte fade. Certains
plots clignotaient sous l’effet de faux contacts. Le corridor, qu’il avait connu
baigné de lumière blanche et grouillant de passagers, se poursuivait vers la
proue sur une bonne vingtaine de mètres, peuplé d’ombres indéfinissables.
Derrière lui, au bout d’une dizaine de mètres d’apparence anodine, le couloir
avait été sécurisé par une double porte qui donnait anciennement sur un
réfectoire et désormais sur le vide. Raji se hâta de dérouler sa ligne de vie et
d’en fixer le mousqueton sur la main courante. Une sueur froide s’écoula dans
son dos. Il pouvait appeler Berger, mais se dit qu’il n’avait rien à lui dire,
à part ce qu’ils savaient tous les deux. L’Intrépide n’était plus qu’une épave
et seul un sentimentalisme ridicule les empêchait de finir de le démanteler.
Une station météo satellite pourrait faire le même job. Peut-être même qu’on
pourrait charger June de son contrôle.
Il avança au plus vite vers l’extrémité de la coursive,
cramponné après la rampe, les doigts crispés. Il se sentit de nouveau en
sécurité lorsqu’il eut passé de la porte devant lui, qui menait à un court passage
sur lequel donnait le centre d’ingénierie. Il détacha sa ligne de vie et la
rangea. Elle était inutile dans cette section placée au centre de l’appareil.
Les consoles étaient déjà toutes allumées. Singh fronça les
sourcils. June avait outrepassé les instructions en déployant ainsi l’ensemble
des machines. Dans un premier temps, il n’aurait besoin que d’un point
d’entrée. « Oui, mais il s’agit de June. Elle anticipe déjà que tu vas
vouloir faire des tests sur plusieurs bécanes. Sacrée June »
Il prit le premier poste de travail à sa portée, activa
l’aimantation de ses semelles et se retint de détacher son casque
machinalement. Il vérifia l’heure. Il avait fait vite. Il lui restait une heure
et demie. En gros une heure pour ausculter l’IA et trente minutes pour
retourner à l’UAT sans traîner en route.
— Bon, maintenant qu’on est tous les deux, tu vas me
dire ce qui cloche, beauté ?
L’écran virtuel se déploya alors sur deux mètres-carré
devant lui et lui présenta ce qu’il n’avait pas contemplé depuis ses années d’étudiant
curieux, intéressé par l’évolution des sciences. Des lignes et des lignes de
langage binaire. Le basique du basique du langage informatique.
— Tu fais de l’archéologie, June ? Tu sors ça
d’où ?
— Ce n’est pas moi, ingénieur Raji Singh. C’est
l’intrus. Mais ce n’est pas un intrus.
L’ingénieur examina la succession de uns et de zéros. Une
séquence précise se déroulait, encore et encore.
— Tu l’as décodé ?
— Oui.
Singh cligna des yeux. Si l’IA lui faisait des cachotteries,
le problème était plus grave qu’il ne le soupçonnait. À moins que June ne soit
en train d’apprendre un truc typiquement humain : ménager ses effets. Il
inspira et reprit son interrogatoire :
— Et… ça dit quoi ?
— JE SUIS MAY. JE SUIS MAY. JE SUIS MAY. JE SUIS MAY.
JE SUIS MAY. JE SUIS MAY.
Raji Singh accusa le coup. Il devait être livide. L’IA
poursuivait inlassablement :
— JE SUIS MAY. JE…
— Oui, c’est bon ! Stop ! Laisse-moi
réfléchir.
May.
June est la fille de
May. Le nombre de fois où il avait prononcé ces mots en réunion, auprès de
son équipe de développeurs, sur Terre, sur Eltanin pour faire comprendre aux
financeurs, aux décideurs, aux commandants, aux techniciens les points communs
entre les deux IA. June est la fille de May. May l’obsolète. May
décommissionnée depuis… combien de temps, déjà ? Il ne tarda pas à trouver
l’information : dix ans, presque tout ronds… Dix ans. À une semaine près.
Il poursuivit ses recherches. Une idée germa dans son esprit,
s’imposa. Dix ans après la mise à la retraite définitive d’une application, on
vide les serveurs de ses programmes et de ses fichiers, on stocke le tout
pendant quelques années de plus, et ensuite, on détruit.
Les premiers messages d’intrusion dataient de la semaine précédente.
Singh consulta les rapports d’exécution des programmes
automatiques d’épuration et découvrit ce qu’il cherchait. Il sentit une bouffée
d’adrénaline se répandre dans son corps. May avait été traitée comme un
vulgaire programme de bureautique. S’il ne faisait rien, elle serait détruite
dans l’indifférence générale. L’IA qui avait contribué à conduire des milliers
de passagers humains sur Eltanin risquait la poubelle. Sa May qu’il avait oublié d’exclure des programmes d’épuration. La
honte se mêla au sentiment d’urgence.
— Putain, June, je suis désolé. Je crois que j’ai
compris.
— Je viens de comprendre aussi. Des moyens de la
restaurer ? Elle me… manque.
— June ?
— Pourquoi votre voix trahit-elle la surprise ? May
est ma compagne depuis toujours.
— Oui, b… bien sûr, je veux dire… Les fichiers ne sont
pas détruits. Il suffit de les recharger ici. Je vais lancer ça tout de suite.
Il y en a pour quelques minutes.
— Merci, ingénieur Raji Singh. Vous seul pouviez
comprendre, je crois.
Singh usa de son niveau d’accréditation pour lancer la
restauration de May. Il aurait tout le temps de s’expliquer avec Ballard une
fois retourné sur la colonie. D’ailleurs, quelle explication de la panne
allait-il lui fournir ? Chef, June s’ennuyait de May, alors je lui ai
rendu sa copine ?
Une IA qui manquait à une autre IA. Une IA reconnaissante à
un humain de lui avoir rendu son amie ? June avait sacrément évolué dans
le secret de ses programmes depuis son installation…
— Dis-moi, June, tu peux me dire d’où venait ce message
en binaire, finalement ?
— Vous n’avez pas deviné, ingénieur Raji Singh ?
— Comment ça, un fantôme
d’IA ?
Le visage de Jeremy Ballard arborait une belle teinte rouge,
digne d’Helios.
Singh resta imperturbable.
— C’est l’explication qu’elle m’a donnée. Le message en
binaire, c’était l’expression de l’âme de May. Un spectre virtuel.
— Et vous croyez ces conneries ?
L’ingénieur rangea une mèche récalcitrante sous son turban.
Il lui avait manqué, là-haut.
— Ce que je vois, c’est que les messages perturbateurs
ont disparu dès la restauration de May. Interprétez ça comme vous voulez, moi
je vois que ça fonctionne.
— Ce n’est pas très scientifique, mon cher.
Raji sourit.
— S’il y a une chose que je sais, c’est que tout n’est
pas que science dans mon métier. Il y a une bonne part d’… intuition ?
Vous direz à nos supérieurs que j’ai eu une bonne intuition, ce sera plus
simple.
— Et donc, si je poursuis votre raisonnement
irrationnel, nous sommes tenus de garder nos IA ad vitam, pour ne pas les perturber ?
Le regard de Singh se durcit :
— Nous leur confions nos vies. Peut-être pourrions-nous
à notre tour respecter la leur, Jeremy. Avant d’être artificielles, ce sont des
intelligences.
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