Je suis partie le week-end dernier à Paris en famille pour
voir CATS au théâtre Mogador. J’en suis revenue toute retournée, comme prévu. Je
l’avais déjà vu en 1989, lors de sa première production en français, à Paris
(au théâtre de la Ville), mais j’étais bien moins bien placée que samedi et
j’en ai un souvenir mitigé. Mais là… ce fut le grand frisson.
Comme j’ai évoqué sur Facebook mon amour pour cette œuvre,
je me dis qu’il faudrait que j’explique pourquoi CATS me met dans cet état et
pas une autre des multiples comédies musicales qui fleurissent au fronton des
théâtres, Zenith et autres maisons des congrès de France.
Alors, pourquoi j’aime CATS et pourquoi le placé-je dans mon
panthéon personnel des plus beaux spectacles de ma vie.
1)
Parce que c’est un chef d’œuvre qui a une
histoire géniale :
Créé à Londres en 1981, cela fait donc 34 ans que ce
« musical » fait salle comble partout où il s’installe. 73 millions
de spectateurs depuis sa création, ce n’est pas un hasard ni un effet de mode.
A la base, la magnifique musique de Sir Andrew Lloyd Weber.
Tout le monde connait Memory, mais CATS en entier comporte une partition
fabuleuse, pleine d’énergie et de joie. Pour moi, c’est une des clés du succès
de CATS et de l’effet qu’il me fait : c’est un concentré d’optimisme,
porté par une exécution impeccable (et à Mogador, la musique est jouée en
direct par un orchestre qui ne chôme pas). Moi, le The naming of cats ou le Jellicle
ball, ça me met des frissons à chaque écoute. CHAQUE écoute. Et je connais la
partition (et les chansons en anglais) quasi par cœur.
Juste pour préciser de qui on parle, Sir Andrew Lloyd Weber
a remporté de nombreux prix et distinctions pour (et je résume) Jésus-Christ
Superstar, Evita, le Fantôme de l’Opéra, etc.
** NDLR : les informations ci-dessous ont été reprises
en partie du programme du spectacle :
Je dis qu’à la base, il y a la musique, mais ce n’est pas
tout à fait vrai. Au départ du début du commencement, ce fut Andrew petit garçon
à qui sa mère lisait Old Possum’s book
of practical cats. Il avait six ans et il n’a jamais oublié ces poèmes
pour enfants signés T.S. Eliot. Ces textes, de son propre aveu, le rendaient
heureux. (nb : de l’importance de faire la lecture aux enfants : ça,
c’est ma conclusion)
En 1978, le compositeur a l’idée d’écrire de la musique sur
une partie de ces textes, pour voir. Et il a commencé à faire jouer ces
musiques un peu partout à la façon d’un Pierre et le loup. L’accueil du public
était encourageant. Il n’était pas encore question d’en faire une comédie
musicale.
Et puis, le projet est né de sa rencontre avec la veuve de
T.S.Eliot. Elle lui montre des textes inédits de son mari, en particulier
Grizabella, the glamour cat, jugé trop triste par l’auteur pour rejoindre son
recueil destiné aux enfants. Et puis, des notes où il est question d’un
Jellicle Ball, et de rejoindre the Heavyside Layer…à bord d’une mongolfière. De
quoi rêver, hein ?
Andrew Lloyd Weber rappelle qu’à la fin des années 70,
Londres venait de s’ouvrir à la danse moderne et aux comédies musicales. On
formait des tas de jeunes danseurs et danseuses à tour de barre.
Le compositeur a envie de se joindre à ce chouette mouvement
et discute sérieusement du projet avec un jeune producteur, Cameron Mackintosh.
Puis il s’entoure de talentueux acolytes : Trevor Nunn, metteur en scène,
Gillian Lynne à la chorégraphie, et le décorateur (et concepteur des
maquillages) John Napier.
Commence à circuler dans le West End la rumeur selon
laquelle tout ce beau monde préparerait un spectacle basé sur des poèmes qui
parlent de chats. Hum. Ils ont dû passer pour des fous… De plus, c’était un
spectacle anglais entièrement dansé alors que la rumeur prétendait que seuls
les Américains étaient capables de chanter et danser en même temps…
Je vous passe les détails, mais Lloyd Weber a quand même
hypothéqué sa maison deux fois pour boucler le budget de la première production
de CATS puisque moins de la moitié des financements prévus ont été versés, et
la première a failli finir en catastrophe pour cause d’alerte à la bombe.
Et puis, paf ! Triomphe mondial. Depuis cette époque,
le musical a été traduit en de multiples langues et joué dans le monde entier.
J’adore les histoires comme ça, avec des gens qui innovent,
ont le culot d’aller au bout de leurs idées et qui rencontrent un public.
2)
Parce que c’est une performance d’interprétation
en danse
CATS, ce n’est pas juste un joli spectacle avec des danseurs
costumés en chats. Dans cette œuvre, on peut réellement parler d’incarnation,
car chaque danseur (ils sont 22) reçoit un rôle qui lui correspond. La
distribution est faite en fonction des danseurs, en particulier de leur
physique et de la forme de leur visage. A noter qu’ils en ont pour deux heures
à poser leur maquillage avant chaque représentation…
Je ne vais pas mettre ici de photos de la production pour
des raisons de droits, mais par exemple Emmanuelle Guélin qui joue Victoria (la
chatte blanche, sensible et affectueuse, la première à essayer de tendre la
main à Grizabella) ou Federica Capra qui se glisse dans la féline peau de
Cassandra, longiligne chat siamois, sont parfaites pour leurs rôles. Que dire
du magnifique Axel Alvarez, un Mister Mistopheles de toute beauté, à la
technique qui se laisse (presque) oublier sous le costume du chat magicien ?
Et je pourrais tous les citer, mais surtout je souhaite saluer l’esprit qui les
anime et qui rejaillit sur le public. On ressent leur joie immense d’être là,
leur enthousiasme est communicatif. Je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que
pour certains d’entre eux, être sur cette scène dans cette production était la
réalisation d’un rêve de gosse. Que leurs années de boulot, d’efforts, de sacrifice,
les courbatures et les blessures peut-être, tout cela était payé au moment où
les premières mesures de CATS étaient jouées et qu’ils attendaient en coulisse
le premier tableau pour entrer en scène. Devenir Demeter et chanter Macavity « so
bluesy », bouger et être tellement sexy comme le Rum Tum Tugger, faire des
claquettes comme la pétillante Jennychatoyante, rayonner comme Skimbelshanks
quand le bazar qui règne sur le plateau se transforme en petit train, ça doit
vraiment ressembler à un point fort dans une carrière de danseur pro. Ils
étaient tous jeunes et beaux et ils m’ont mis une patate d’enfer.
A noter les mois de travail, non seulement pour apprendre la
chorégraphie, mais aussi pour intégrer la gestuelle et la façon de bouger des
chats. Les interprètes expliquent qu’ils ont observé comment les chats
marchaient, couraient, sautaient, se reposaient et ont fait des exercices
particuliers pour assouplir encore leur dos et imiter les mouvements de tête
des félins, sans compter le nombre de fois où ils passent leur patte derrière l’oreille !
C’est un énorme effort d’appropriation qui vient rajouter une couche à la base
technique solide qu’ils possèdent tous et le résultat est impressionnant. Il
faut dire aussi que la chorégraphie de modern dance, devenue intemporelle, de
Gillian Lynne, pleine de puissance et de délicatesse, est un bijou. Et sauf
erreur de ma part, elle n’a quasiment pas bougé sauf sur les parties ajoutées
ou modifiées, comme le Rum Tum Tugger.
Pour avoir vu la production française de 1989, et l’avoir
trouvée juste bien voire pas mal, on a nettement franchi un palier avec ce
spectacle : les ensembles étaient impeccables, et la technique des
artistes sans défaut. (Ils ont de jolis CV aussi…)
J’ai juste un bémol par contre entre l’ancien CATS et le
nouveau : le Rum Tum Tugger est passé de chat rocker à chat rapper. Bon,
je préfère le rock, mais il est toujours aussi sexy, ce voyou, alors…
3)
Parce que c’est un spectacle familial avec des
décors superbes
Les
décors de CATS, une décharge bourrée d’un incroyable bric-à-brac, sont à l’échelle des chats et adaptés au
théâtre et au public local. Par exemple, parmi les déchets, une boite de
filtres à café comme ceux que j’ai dans mon placard, un paquet de lessive bien
connu en France, etc. C’est super bien fait et ça envahit non seulement la scène,
mais ça escalade la salle pour encadrer le plateau jusqu’aux loges ! Des
semaines de boulot bien sûr sont nécessaires pour habiller le théâtre de ces
étranges atours qui font une partie du charme de ce spectacle. Il est même
possible d’aller se faire prendre en photo à l’entracte avec le Vieux
Deutéronome (c’est le grand sage des chats) dans les décors.
4)
Et parce que c’est sacrément bien chanté
Je suis d’accord, Memory, on l’a trop entendu. C’est sûr. J’ai
été la première à rugir quand j’ai entendu certaines chanteuses « à voix »
reprendre ce morceau pour en faire une performance vocale et rien d’autre.
Désolée, mais Memory doit faire chialer, c’est tout, c’est de l’émotion, pas de
la frime. Et la seule qui m’a fait chialer, c’est Elaine Paige, la toute
première interprète de CATS à Londres. Elle avait déjà chanté dans Evita (Don’t
cry for me, Argentinaaaa, c’est elle, avant Madonna, hein). Pour moi, c’est la
seule qui chante ça en mettant ses tripes. Voilà, c’est dit.
En français, ben ça ne me fait pas le même effet, parce que
je connais les paroles par cœur en anglais et que je les trouve parfaites, mais
la chanteuse actuelle, Prisca Demarez, fait très honnêtement le boulot. Mais
elle ne me fait pas chialer.
Autrement, on a d’autres très belles chansons dans CATS et
des chœurs superbes, en particulier le final, en français « Parler le chat »
qui est un exemple d’harmonie.
Et je suis fan du morceau Macavity, qui est très jazzy.
Voilà.
J’arrête de vous embêter avec ça.
J’ajoute que dans mes jeunes années, je dansais correctement
et que je faisais partie d’une petite troupe amateur. L’année où j’ai arrêté
les répétitions pour raison d’études (ou celle d’après, plutôt), la chorégraphe
de la troupe a monté une adaptation de CATS, avec la musique et l’argument
de l’original, de chouettes décors à l’échelle « presque » comme à
Londres et des costumes et des maquillages... Et donc les copines ont dansé ça,
sans moi. Je ne me souviens pas si elles ont eu l’occasion de le danser
plusieurs fois, par contre. On n’a pas tant de dates que ça quand on est une
formation non professionnelle, même si la passion et le trac sont similaires.
Je suis allée les applaudir, mais j’en aurais pleuré. Je ne
l’ai pas fait, parce qu’on ne pleure pas pour un rêve envolé et que j’étais
heureuse pour elles. Pourtant, plus jamais l’occasion ne s’est présentée pour
moi de participer à un spectacle de cette envergure.
Cette fois-ci, j’arrête vraiment de vous embêter.
Mais j’ai un projet d’écriture sur la danse.
Un (plusieurs) train(s) de retard comme toujours mais je ne pouvais pas lire ça et ne pas t'envoyer un gros gros câlin (pour l'occasion ratée de le danser !) et un grand piaillement d'excitation parce que tu as pu le voir en vrai à Paris. J'aime cette comédie musicale d'un amour, je pense, aussi immodéré que le tien. Merci d'en avoir parlé !
RépondreSupprimerMerci cher(e) inconnu(e) ! :) Ce spectacle est marquant dans son genre et ne vieillit pas, ce qui prouve, je trouve, sa qualité. Heureuse de savoir que mon billet a trouvé un écho en toi. Merci de ton passage ! <3
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